Chroniques volcaniques

Publié le par LescastorsenAsie.over-blog.com

 

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Jour 1.

Nous voilà de retour de la cascade de Sekumpul juste à l’heure pour prendre le bus. Deux places réservées deux jours plus tôt car, période de ramadan oblige, les bus pour Java sont souvent pleins. Destination : Probolingo. Objectifs : les volcans javanais. En tête : le Bromo et, si possible, le Kawa Idjen. Comment : question en suspens…

Carte Indonésie. Volcans

 

Quelques arrêts, le bus se remplit : nous sommes les seuls Occidentaux à bord. Installés à l’arrière, la nuit va être longue : les sièges sont moyennement confortables, Castorette se bat pour essayer d’incliner son dossier, les jeunes à côté mâchouillent, des passagers toussent, l’un d’entre eux vomira même en cours de route, relents des toilettes, etc.

Arrivée au port de Gilimanuk, embarquement sur un ferry. Comme tout le monde, notre chauffeur laisse le moteur allumé (jamais entendu parler du réchauffement climatique lui !) pendant la demi-heure de traversée : bonjour les gaz d’échappement ventilés dans le véhicule !

Débarquement à Java. 1h30 du mat’ : nouvel arrêt, repas ! Compris dans le prix de billet, on zappe : enfin, on se contente de quelques morceaux de pastèque ! C’est reparti pour 2h de route !

Arrêt à Probolingo, enfin : nous sommes les seuls à descendre, pile devant une agence de tourisme (Mahabarata Travel), comme par hasard ! Il est 3h du mat’ : nous sommes fatigués, vulnérables. Le boss de l’agence nous accueille, sans toutefois nous bousculer. Que veut-on ? Le Bromo, évidemment, comme tous ceux qui nous ont précédés et tous ceux qui nous suivront ! Et dormir aussi ! Explications, discussions, réflexion, négociations et accord : un package « sur mesure » de trois jours incluant les volcans et les transferts en bus, le tout pour 850 000 roupies chacun, soit 70 euros. Tout compte fait, vu les prix des transports, des logements et des entrées des parcs naturels, le montant nous semble correct. En plus, il nous emmène directement et immédiatement au dernier village, au pied du Bromo. Le chauffeur va nous aider à trouver une chambre à 150 – 200 000. Ouf !

Dans le bémo qui monte péniblement vers Cemoro Lawang, on s’effondre, crevés ! Une heure et demie plus tard, on s’effondre de nouveau, dans un lit ! D’allure spartiate, la  chambre est propre mais quand même un peu chère vu la prestation : ici, c’est l’eau chaude qui coûte chère ! Quasiment indispensable en montagne car il fait plutôt frisquet, à tel point que la couverture elle aussi s’impose !

Réveil vers 10h, sommeil réparateur ; tartines et biscuits en guise de petit-déj’, expédié ! Soleil magnifique, ciel bleu, en route pour le Bromo, accessible à pied d’après le Routard ! A quelque deux cents mètres seulement, en haut du village, l’entrée du site : droits d’entrée de 25 000 par personne ! Quelques mètres supplémentaire et première surprise !

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Devant nous, une vaste étendue plane balayée par le vent ! Effet tempête de désert. En guise de sable ici, de la poussière volcanique soulevée par les rafales ! Quelques véhicules et des piétons, c’est bon, on peut traverser.

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Un vendeur ambulant nous propose des masques, 5000 l’unité ! Okay, vu toutes les particules en suspension, ça s’impose ! Et on s’emmitoufle. Une aberration vu le soleil qui tape, mais bon, mieux vaut se protéger les yeux et les poumons !

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 Pas d'inquiétude, on a aussi protégé sa Majesté Hidung Besar

Nous avançons, lentement dans la caldeira (cratère volcanique refermé). Elle est immense ! Et l’impression d’être dans le Sahara ! Les « bourrasques » de sable nous enveloppent ! On n’y voit goutte, on suit les bornes blanches et on demande confirmation de notre chemin ! « Motorbike ? – No, thanks you, we feel like walking ! Terimakasi ! ». Bifurcation à gauche, direction le volcan que l’on distingue à peine ! Au pied de la montée, un temple hindou et quelques vendeurs ambulants de boissons. « By horse ?No, Jalan, jalan. Terimakasi. ».

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Montée vers le volcan sous une chaleur accablante accentuée par notre accoutrement ! Petit pas à petit pas, sans se presser. Autour de nous, sol, talus, colline, tout n’est que cendres et poussières, c’est incroyable ! Le vent s’en donne à cœur joie et joue à déplacer les particules. Nous voilà au pied du volcan : oups, c’est raide ! Des escaliers, ensablés, une rambarde, en partie cassée mais c’est mieux que rien ! 100, 150, 200 marches, impossible à dire : montée d’escargot.

Au bout, le graal, le sommet, le cratère !

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Epoustouflant : un trou béant !

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Faut-il y croire : nous sommes au bord du cratère d’un volcan toujours actif ! Enfin, ici pas de lave, ni d’éruption mais des dégazages réguliers : d’où les bulles qui remontent à la surface du lac acide situé au fond du cratère et cette odeur d’œuf pourri : le soufre !

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Spectacle unique apprécié en toute sérénité : pas un touriste à l’horizon.

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De la poussière s’effondre ou s’envole en volutes sur les crêtes du cratère, c’est magnifique, presque magique ! Nous restons une bonne heure, seuls, au bord de cratère, béats d’admiration.

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Redescente et petite balade dans la mer de sable. Nous croisons quelques jeeps et motos qui galèrent un peu ! Tout autour de nous, diversité des paysages : pentes de cendres dodelinées et arides auxquelles succèdent quelques étendues végétalisées et des crêtes boisées. Au sol, toujours de la poussière, parfois tellement réduite et fine qu’elle a la texture du ciment.

Puis soudain, légère brise, le sable balayé, s’élève, tourbillonne puis s’élève encore pour former une colonne tournoyante : 20, 30, 40 mètres, c’est hallucinant !

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A quelques mètres de nous, elle est immobile et continue de s’élever avant, progressivement, de diminuer en intensité et de disparaître tandis que d’autres, plus petites, prennent ici et là le relais. En revenant sur nos pas, le Batok que nous longeons nous salue d’un panache de fumée blanche ! Lui aussi est en activité !

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Que d’émotions en une journée ! Sortie de la caldeira (dure dure la grimpette !), petit verre en terrasse et retour à la chambre. Rencontre de trois jeunes Français en partance : nous leur filons deux-trois tuyaux pour Bali. Un resto (Café Lawa), un gado gado un peu trop épicé pour père Castor et puis au dodo pour quelques heures de sommeil seulement.

 Jour 2.

Réveillés par le portable à 3h30. Les sacs sont quasiment prêts de la veille. Croisons les doigts et espérons que l’agence ne nous ait pas oubliés. Le rendez-vous est à 4h. Le couple de Hollandais arrivés la veille est sur le pied de guerre et attend déjà sur le perron ! Il est quatre heures, ils devaient être ramassés à 3h30. Petite inquiétude partagée. Balai de jeeps qui passent devant nous sans s’arrêter : elles sont déjà remplies ! Petit pincement…. C’est au tour des Hollandais. Pour nous, l’attente continue. Une autre s’arrête, pour nous, enfin ! On montre notre petit papier griffonné par l’agence et on grimpe même si le chauffeur ne nous paraît pas très convaincu ! Est-ce nous qu’il devait prendre ? On ne saura jamais. Il démarre. A bord, quatre autres personnes, une famille allemande.

Nouvelle traversée, cette fois-ci motorisée, de la caldeira ! Colonne de jeeps devant et derrière nous : nous n’étions pas les derniers ! Puis c’est la montée, toujours nerveusement éprouvante ! Mais le chauffeur assure. Une vingtaine de minutes de « secoue mon estomac et remue mon intestin ». Arrivée aux sommets : une bonne centaine de véhicules sont déjà garés le long de la route : ça promet ! Impressions confirmées à l’arrivée : la plateforme d’observation est blindée ! Et déjà des flashs dans tous le sens : mais y’a rien à voir pour l’instant les gars ! On se fraye un chemin et nous dégotons une place, loin d’être idéale : des antennes à gauche, des arbres en face et un fumeur sans gêne juste devant nous. Sans oublier les bras levés et les appareils photos désespérément tendus vers l’horizon. Et tous ces blablablas en version multilingue ! Mais pourquoi les gens parlent-ils autant ? Contre mauvaise fortune, on fait bon cœur.

Le soleil se fait attendre. Puis, premières lueurs, les appareils se déchaînent ! On sacrifie au rituel (flash off quand même) : piètre résultat.

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En plus d’un appareil peu performant, le ciel est un peu nuageux. Quelques belles lueurs quand même, sans plus (euh, on deviendrait pas un peu exigeants avec tout ça ?).  

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Les premiers rangs commencent à se vider, nous restons. Puis, inattendu, il apparaît éclatant, puissant, éblouissant : en deux minutes à peine, le disque solaire nous réchauffe ! Pas mal !

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Quelques photos "délires" puis, à quelques mètres, autre point de vue : ah oui, voilà qui vaut le coup ! Magnifique vue-plongeante sur la caldeira ensablée, le Bromo, le Batok et, enfin, le Semeru : en arrière-plan, il culmine à 3600 m d’altitude et dégaze avec la régularité d’un métronome toutes les demi-heures ! Superbe panorama mordoré par les reflets orangés du soleil levant. Satisfaction !

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Un peu grognon pour se lever, Gros Nez a adoré finalement ! Bon, évidemment, maintenant il veut rapporter un volcan à la maison !

 

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Retour à la jeep pour 6h30. Direction le Bromo. Nouvelles sensations dans la descente. Alignement de jeeps, on se croirait sur un parking de supermarché. C’est blindé mais on remonte quand même, tout en étant contents d’être venus la veille. « By horse mister ». No, thank you sir ! ». Montée moins fatigante que la veille malgré tout : grâce à la fraîcheur relative de petit matin ! Sommet encombré, on s’écarte légèrement. Encore plus contents d’être venus en pleine après-midi car au petit matin, le cratère est dans la pénombre, on distingue à peine le lac. En plus, il n’y a pratiquement pas de vent donc pas de danse ensablée. Pas grave, on savoure quand même le moment, dans un silence entrecoupé d’interrogations : de quoi et pourquoi les gens parlent-ils autant ? Mystère…

Retour à la jeep vers 8h20 : les Allemands attendent, à l’intérieur ! Sans doute du genre : « je monte, je vois, je photographie, j’ai photographié, j’ai vu, je redescends ! » Désolés les gars mais nous on en profite et pour une fois on est pile à l’heure.

Retour à la chambre et, de nouveau la même crainte, que l’agence nous ait oubliés. Petit échange avec les Hollandais et leur chauffeur qui nous propose ses bons plans sur Yogyakarta ! Quelques notes, cartes de visite, pour le reste, on verra ! Les « blue fires » ? A admirer, nous dit-il, sur le Kawa Ijen en pleine nuit : la plupart des agences partent à quatre heures du mat’, il faut partir plus tôt pour les voir, poursuit-il, vers deux heures du mat’. C’est magique ! ».  Terimakasi, une info qui n’est pas tombée dans l’oreille de deux sourds.

Soulagement, notre transport est arrivé : un mini-van ! Dix minutes plus tard, petit arrêt pour faire le plein … de touristes et démonter le démarreur (ou un truc du genre). Résultat : démarrage en seconde dans la pente. Ainsi va l’Asie !

Retour à Probolinggo, changement de mini-van et de compagnons de voyage : trois autres couples de jeunes (on l’est toujours, hein ?), Allemand, Suisse et Français. C’est parti pour six heures de route, direction Sempol, village situé à une heure du Kawa Ijen. Quelques échanges mais le trajet est relativement calme. Le chauffeur est plutôt sympa. Dernière partie de route plutôt mouvementée : quelques rares morceaux de macadam, des gravillons, des cailloux et des trous pour l’essentiel. Ouf, pas de précipice – visible – comme l’année dernière au Laos !

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Notre mini-van passe-partout !

Arrivée à l’hôtel : Arabica homestay. Chambre sommaire mais, cool – enfin, façon de parler – elle est équipée d’eau chaude. Petite balade d’après six heures de bus : fabrique de café, champs de fraises et village somnolent. Grande affaire du dîner : essayer de convaincre les autres couples du bus de partir deux heures plus tôt que prévu – donc vers deux heures du mat’ ! – pour – peut-être – avoir la chance d’apercevoir les fameux blue fires. Les petits Suisses font un peu de résistance avant de céder. Il faut dire qu’un autre car part aussi à cette heure indécente. Bon, évidemment tout se paye : il nous en coûtera 50 000 par personne pour le guide et les chauffeurs des groupes concernés. Il nous reste quatre heures et demie de sommeil…

Jour 3.

1h30 du mat’ : un peu embrumés mais fin prêts. Petit thé, bagages chargés et nous voilà partis. Heureusement la route ne joue pas les réveils-matins, alors on somnole. Une heure plus tard, le moteur cesse de ronronner, nous émergeons. Les chauffeurs nous dénichent un guide, comme prévu. Un peu frais mais pas froid. Commence alors l’ascension. Difficulté moyenne. Quelques arrêts car le groupe commence à se scinder. Tiens, petite lueur descendante… En pleine nuit, nous n’en croyons pas nos yeux : un porteur de soufre ! Eclairé à la frontale ! Est-ce possible ? L’ascension continue. Nouvelle pause, à mi-chemin. Nouvel surprise : nous retrouvons les trois jeunes Français. Ils montent avec tout leur bardas dans le – vain - espoir de redescendre de l’autre côté et rejoindre le terminal des ferries. L’ascension se poursuit, dans la pénombre. Puis, soudain, l’odeur d’œuf pourri, les yeux qui piquent et la gorge qui brûle ! Pas de doute, nous traversons un nuage de gaz. Nous enfilons nos masques de la veille. Protection un peu dérisoire ? Une heure et demie de montée pour atteindre le sommet du cratère, toujours dans l’obscurité.

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Un nuage nous enveloppe et de nouveau, l’odeur âcre et piquante, les yeux et la gorge. Les fumées semblent provenir du fond du cratère. Balai ininterrompu des porteurs qui en remontent alors qu’apparaissent les premières lueurs du jour.

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Voilà ce que nous voyons et nous peinons pourtant à y croire ! Nous les voyons gravir lentement et péniblement la pente intérieure et escarpée du volcan tandis qu’en contrebas, dans la fumée, d’autres travaillent à casser le soufre solidifié au contact de l’air et à remplir leur panier ! La plupart sans protection sinon un masque très fin ou un petit bout de tissu ! Comment peuvent-ils ? Comment font-ils ?

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Entre soixante-dix et cent kilos sur les épaules ! Entre une et deux heure(s) pour parcourir 500 mètres et pour remonter le cratère ! Et trois kilomètres de plus, ceux que nous avons parcourus en sens inverse, pour redescendre et vendre leur chargement. Travail de forçat payé une misère : environ 50 000 roupies la livraison. A raison de deux allers-retours, ils gagnent en moyenne huit euros par jour ! Des épaules et des dos déformés, une espérance de vie évidemment rabotée, entre 40 et 50 ans ! Du Germinal à la mode indonésienne ! 

Le balai continue. Les porteurs s’arrêtent juste au bord du cratère et prennent la pose … photo. Pourquoi ? Fierté du métier, on peine à y croire. Consigne officielle, peut-être. Espoir d’une obole, sans doute. Perçoivent-ils une partie des droits d’entrée, on l’espère ! Rencontre à peine pensable de deux mondes, les touristes d’un côté, les porteurs de l’autre. A la limite de l’indécence ! Combien d’aller-retour nos appareils, nos mobiles, nos vêtements valent-ils ? A défaut de changer significativement leur sort, elle a au moins pour mérite de les sortir de l’ombre.

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Le soleil est désormais levé, le cratère entièrement éclairé et le triste spectacle dévoilé. Secoués mais impuissants, nous quittons l’enfer du soufre en suivant, non sans peine sur la piste glissante, ces esclaves des temps modernes redescendre leur chargement d’un pas rapide et cadencé.

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Ironie des voyages, nos chemins se séparent en bas de la piste. Nous poursuivons le nôtre, sans oublier d’avoir, un jour, croisé le leur.

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Seize heures plus tard, nous sommes le jeudi 16 août et nous voilà déjà bien loin, à Yogyakarta, dernière étape de notre parcours en Indonésie. Yogya

Publié dans Indonésie

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